Chroniques

LA PLUME DU FAUCON

Vous trouverez ici plusieurs articles traitant principalement des tendances sociales reliées à la vie de couple. M. Leblanc est chroniqueur pour divers journaux et magazines et son style d’écriture a beaucoup fait parler de lui. Sujets chauds, saupoudrés d’humour, il aura bonne plume pour chacun des lecteurs.

CHRONIQUE
DISPARITION Plus encore que les combats LGBT de Pierre Bergé, c'est sa manière d'être en couple que l'on retiendra (publiée le 12 septembre 2017)
Il ne s'est jamais caché et pour l'époque, c'était pionnier. Plus encore que les combats de Pierre Bergé, c'est sa manière d'être en couple que l'on retiendra
Certes, Pierre Bergé c'est le Sidaction, Têtu ou encore son engagement en faveur du mariage pour tous. Mais au-delà de ses combats pour l'égalité des droits, c'est aussi, et peut-être plus encore, sa posture qui restera gravée dans la mémoire.
Car non seulement Pierre Bergé, décédé ce vendredi 8 septembre à 86 ans, était un fervent défenseur des droits LGBT mais il ne cachait pas non plus son orientation sexuelle, à une époque où cela ne coulait pas du tout de source, l'homosexualité ayant été dépénalisée en 1982.
Très tôt, l'homme d'affaires a assumé sa sexualité. Libération, qui écrit son portrait, raconte par exemple à propos de Bernard Buffet, rencontré quand il n'avait que 18 ans, que Pierre Bergé "l'impose comme son compagnon, notamment auprès de sa propre mère". Celle-ci, malgré l'époque, a d'ailleurs totalement accepté la sexualité de son fils. "Pierre, je veux main­te­nant te parler de ton homo­sexua­lité. Tu sais que rien ne me choque, je veux que tu sois heureux, mais tes fréquen­ta­tions m'inquiètent. Si tu étais homo­sexuel par snobisme ou arri­visme, sache que je te désap­prou­ve­rais", lui avait-elle écrit un jour.
Et puis il y a eu Yves Saint Laurent. Leur histoire a duré jusqu'à la mort du couturier en 2008 et elle est certainement la première, entre deux hommes, à avoir été aussi connue en France. "A aucun moment, je n'ai souvenir qu'ils aient caché leur homosexualité. C'était très pionnier", souligne auprès du HuffPost Yannick Barbe, l'un des ex-directeurs de la rédaction du magazine Têtu. "Pour l'époque, c'est quelque chose de très marquant, surtout par rapport à maintenant, où même quand on a de la visibilité on ne se montre pas autant", poursuit-il, estimant que "cette franchise est aussi importante que ses actions".
Yohann Roszéwitch, ancien président de SOS Homophobie et conseiller à la lutte contre la haine et les discriminations anti-LGBT à la DILCRAH, est de cet avis et n'hésite pas à qualifier Pierre Bergé de "modèle". "C'est ainsi que les choses progressent, peut-être encore plus qu'avec un coming out", souligne-t-il auprès du HuffPost, faisant référence à l'apparente simplicité avec laquelle le mécène évoquait son compagnon et s'affichait avec lui. "C'est d'une grande aide et cela marquera les esprits."
Une simplicité et une franchise exprimées jusqu'au jour-même des obsèques d'Yves Saint Laurent en 2008, lorsqu'il déclare, ému: "Comme le matin de Paris était jeune et beau la fois où nous nous sommes rencontrés."
"C'est un discours qu'on n'a pas l'habitude d'entendre, un homme qui déclare son amour à un autre homme, un témoignage bouleversant pour l'homme de sa vie, et c'est rare", estime encore Yannick Barbe. "C'est quelqu'un qui ne s'est jamais caché, qui n'a jamais usé de périphrases. Il jouissait d'une grande liberté qu'il s'est lui-même forgée. Il ne menait pas de double vie, n'élaborait pas de stratagème, c'était à prendre ou à laisser", décrit-il.
D'ailleurs, Pierre Bergé racontait en 2005 au magazine Psychologies n'avoir "jamais eu le moindre doute" quant à son orientation sexuelle. "Je sais que je l'ai toujours su. Mes premières relations sexuelles, je les ai vécues très jeune et avec des femmes. Non parce que je me sentais 'contraint' d'être hétéro. Simplement, ce sont ces occasions-là qui se sont d'abord présentées à moi. Mais ceci sans que j'aie le moindre doute quant à ma véritable sexualité", expliquait Pierre Bergé.
"Et même si, au cours de ma vie, j'ai eu quelques expériences hétérosexuelles, pas une seule fois je n'ai pensé devenir hétéro. Je suis bien persuadé que l'homosexualité est un fait inné", poursuivait le co-fondateur de la maison Yves Saint Laurent.
S'il n'a jamais douté de son orientation sexuelle, Pierre Bergé n'a pas non plus hésité à s'engager pour que progressent les droits des personnes LGBT, et ce dès les années 90. Ainsi, en 1994, il a fondé avec Line Renaud l'association "Ensemble contre le Sida", qui est par la suite devenu le Sidaction que nous connaissons. Il en était le président depuis 1996.
En 1995, le mécène a fondé le magazine gay Têtu et l'a dirigé pendant dix-huit ans, jusqu'en 2013, quand il l'a vendu pour un euro symbolique alors que le média avait des difficultés financières.
On se souvient aussi de sa forte prise de position en faveur du mariage pour tous dès 2012, n'hésitant pas à fustiger les militants de la Manif pour tous dont il était presque devenu la bête noire. Pierre Bergé soutenait également la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes ainsi que la gestation pour autrui (GPA). À ce sujet, il avait déclenché une polémique en déclarant: "Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence?"
Plus récemment, l'homme d'affaires a produit le film "120 battements par minute" de Robin Campillo, Grand prix du jury au festival de Cannes retraçant l'histoire de l'association choc de lutte contre le sida, Act-Up, qu'il soutenait aussi.


 
Par : L'agence AFP
Sur: www.fugues.com